Dans les années 90, Internet, fabuleuse toile étirée aux 5 continents, révolutionne l’échange et le partage d’informations. Particuliers et entreprises s’y engouffrent, déversant et recueillant des milliards d’octets de données personnelles, à usage personnel et/ou professionnel, à travers des réseaux sociaux, des formulaires de contacts, des achats en ligne, ou de simples clics…
À partir de quel moment ce phénomène est-il devenu intrusif, chronophage, épieur, ingérant ? Nous ne nous sommes pas forcément aperçus que nous étions devenus des produits, nous n’avons pas vu le mal à livrer des informations sur nos habitudes de consommation, nos loisirs, notre famille, nos amis…
Et pour cause, nous servons sur le moment un intérêt que nous croyons être le nôtre.
Au fil du temps, combien de formulaires avons nous remplis consciencieusement, à combien d’enquêtes ou d’études avons nous répondu, livrant une certaine intimité, nous mettant à nu ?
Combien d’entre nous, sur le moment, se sont questionnés sur la valorisation potentielle de ces données personnelles, livrées délibérément ?
20 ans et quelques plus tard, à titre individuel, sais-je précisément quelles informations circulent, de base de données en base de données, sur mon compte ?
Ai-je, à un moment, eu la maîtrise de l’utilisation qui pourrait en être faite ?
M’a-t-on déjà donné l’opportunité d’avoir « la main dessus » pour les rectifier, voire les supprimer du domaine public ?
La loi Informatique et Libertés (1978), a été très tôt une référence (et oui….mondiale même) pour la protection des individus et de leurs données personnelles. Le RGPD harmonise aujourd’hui et au niveau européen cette protection nécessaire, compte tenu de l’apparition de technologies numériques qui demandent un nouveau cadre réglementaire, et qui ont ouvert la voie de l’utilisation de données personnelles à des fins de sélection de profils (RH, Couvertures d’assurance,…), de rejet automatisé (CSP, prêt, emplois…), de discrimination (analyse des prénoms, lieux de vies, signes religieux…) ou de ciblage marketing. Il faut dire que, paradoxalement, cette dernière application, d’un point de vue commercial, s’avère extrêmement performante : Dans un article de 2015, les Echos déclaraient que « D’après une étude […], le fait de s’adresser personnellement à son destinataire et de s’adapter à ses habitudes déclencherait une intention d’achat pour 76 % des Français et même de réachat pour 34 % d’entre eux. »
Alors, intérêt pour l’hyper personnalisation et/ou protection de la vie privée ?
Le RGPD, sans pour autant freiner le potentiel que représente l’économie numérique*, impose un cadre qui vise à responsabiliser les entreprises au regard des données personnelles qu’elles collectent/détiennent et leur utilisation. Il redonne la main aux individus sur leurs données personnelles afin qu’ils décident :
- de les livrer dans un but strictement précis
- de les rectifier/faire rectifier, s’ils le souhaitent
- d’en demander la portabilité
- de les faire disparaître définitivement à tout moment
*Dans son article « De nouvelles dispositions pour protéger les données personnelles« , Florence Raynal, Chef du service des affaires européennes et internationales CNIL, parle du défi que représente l’enjeu économique de la réglementation : « L’économie numérique revêt une importance croissante pour les acteurs économiques et les États. Les données personnelles sont décrites comme son « carburant » et un intense lobbying des entreprises fait valoir que le législateur ne doit pas entraver le potentiel de l’économie numérique, voire la reprise économique. Les entreprises mesurent aussi l’importance stratégique, en terme de compétitivité, d’une approche responsable des données personnelles. »
Le RGPD représente donc à la fois un instrument inespéré de retour à la liberté individuelle, au choix de l’anonymat, certains cinéphiles parleraient d’une extraction de la matrice, et un fabuleux cas d’application de RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise), éthique, comme avantage concurrentiel.
Le pessimiste se désole devant la contrainte ; il doit analyser ses process, les revoir, les modifier, adapter son Système d’Information et former ses équipes…
L’optimiste regarde, au-delà, le champs des opportunités ; une pierre à l’édifice d’une ère de liberté retrouvée, un avantage concurrentiel à communiquer, une image éthique, un gage de confiance.